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La facture des ordures ménagères de plus en plus contestée

mercredi 28 septembre 2016

Sujet : Actualités

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Crédits photo : FRANCK PRIGNET/Le Figaro Magazine

Le Figaro publié le 28/09/2016

ENQUêTE - Des collectifs s'organisent partout en France pour inciter les usagers à ne plus payer leur redevance d'enlèvement des ordures ménagères. Le montant et la légalité des factures sont remis en cause par des associations de consommateurs.

La colère gronde autour des poubelles. De plus en plus de Français dénoncent le flou entourant le montant de la redevance que leur impose leur commune pour ce service. De Bretagne en Gironde, les recours devant les tribunaux se multiplient. Dernier épisode en date: en février dernier, la cour de cassation de Rennes a donné raison au Comité citoyen du Sud Morbihan qui représentait plus de 1100 personnes contestant leurs factures. D'où vient cette grogne? Et pourquoi ces factures sont-elles prises pour cible? Explications.

Taxe, redevance: une différence de taille

Pour comprendre la grogne, il faut d'abord revenir sur le système d'enlèvement des ordures ménagères. Ce dernier est encadré par la loi du 15 juillet 1975 qui «accorde aux collectivités locales une compétence exclusive pour l'élimination des déchets des ménages et en fait, en outre, un service obligatoire pour celles-ci». Les collectivités territoriales ont ensuite le choix entre deux dispositifs pour faire payer ce service: la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM). La différence est importante. La taxe concerne toute propriété soumise à la taxe foncière sur les propriétés bâties ou qui en est temporairement exonérée. «Elle s'applique au propriétaire et à l'usufruitier du bien. Si le bien est loué, le propriétaire peut en récupérer le montant dans les charges locatives», explique l'administration. Son montant apparaît sur l'avis d'imposition de la taxe foncière.

La redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM) est due uniquement lorsque l'on utilise le service d'enlèvement des ordures ménagères. C'est donc la contrepartie du service rendu. Pour en calculer le montant, la commune ou son groupement opte généralement pour un système consistant à inclure une part fixe, correspondant aux frais généraux, et une part variable - censée être incitative- qui dépend du nombre de déchets émis par le foyer.

Une redevance jugée trop floue

La colère qui s'amplifie concerne les communes ou groupement ayant opté pour la redevance. Les usagers dénoncent une flambée du montant de la facture, sans pouvoir en expliquer la cause. «Le choix des critères définissant la part fixe et la part variable est opaque et in fine, on peut facturer ce qu'on veut, avec un risque d'abus», explique Corinne Asfaux, avocate parisienne ayant défendu un collectif de plus de 2000 usagers, le Collectif Val de Loir, qui contestait ses factures. «La tarification incitative est un vrai bazar. Elle est normalement basée sur la composition du foyer, le nombre de levée des bacs. Mais en réalité, c'est un forfait imposé à tous, déconnecté de la réalité», ajoute Marc Blachère, président du collectif. «On peut se retrouver à payer 40 sacs de déchets par an alors qu'on en produit 8!», souligne l'avocate.

De plus, «les coûts fixes, qui sont incompressibles, peuvent représenter jusqu'à 70% du montant de la redevance. Ce n'est pas partout pareil mais généralement, la part incitative est marginale. Résultat: même si on joue le jeu de produire moins de déchets, on peut se retrouver avec une facture élevée», déplore Marc Blachère qui dénonce aussi un dispositif coûteux, avec notamment la mise en place de bacs contenant des puces pour pouvoir identifier les usagers. «Au final, la redevance paraît moins juste que la taxe car contrairement à cette dernière, elle ignore totalement la situation sociale du foyer. Avec le passage de la taxe à la redevance, certains habitants ont vu leur facture multipliée par 5!», assure le président du collectif Val de Loir.

Contester sa facture... dans les règles

Les associations de consommateurs appellent donc les usagers à la vigilance, les incitant à regarder de plus près leurs factures. Voire à réagir. «L'une des premières étapes consiste à contester la présentation des factures qui sont pratiquement toutes entâchées de nullité», assure Jacques Margalef, président de l'Association France assainissement eau (AFAE), qui mène la bataille contre cette redevance dans le sud de la France. «Un titre de recette doit comporter les mentions obligatoires qui indiquent ce qu'on doit payer. Il faut aussi mentionner la délibération tarifaire. Autrement, la facture est illégale dans sa présentation», explique Corinne Asfaux qui, dans son affaire, a obtenu la suspension des paiements en mettant en avant ce point. «La suspension de la facture peut être un moyen de pression pour pousser la commune à revenir à la table des négociations», explique Marc Blachère.

Attention toutefois: ceux qui s'estiment lésés ne doivent pas cesser de payer leur redevance avant d'avoir effectué les démarches nécessaires. «Le paiement de la facture est suspendu uniquement si une contestation a été formulée en bonne et due forme, dans les délais. Autrement, la somme reste due», prévient l'avocate. «Le Trésor public est en droit de vous poursuivre par huissier pour recouvrer le paiement, mais dès lors que la facture est contestée, il y a suspension», confirme March Blachère. Il faut dans ce cas saisir le tribunal administratif ou d'instance, selon ce que l'on conteste.

Vers des actions collectives

«L'idéal est de se réunir, avec un collectif qui centralise les demandes, et prendre un avocat. Cela réduit la facture finale pour chacun», ajoute l'avocate. «On peut gagner seul, mais quand on est 2000 face à la commune, ça change tout. Les conséquences ne sont pas les mêmes», insiste Marc Blachère. Cette démarche a été entreprise avec succès par son collectif ou encore celui du sud Morbihan. Et le mouvement fait des émules. «à Tonnerre, en Bourgogne, une association regroupant 18.000 foyers est en train d'être montée. Et en Sud Gironde, nous allons distribuer des tracts à 35.000 foyers pour les inciter à se joindre à une action collective», ajoute Jacques Margalef.

L'enjeu est de taille. D'après le collectif Val de Loir, en 2014, 15% de la population française était placée sous le régime de la redevance, essentiellement dans des communes rurales.

Hayat Gazzane




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