La mise en détention provisoire de Gilles D’Ettore, maire d’Agde, le 22 mars 2024, pour des faits de corruption d’une ampleur inédite, a ouvert une crise politique majeure. Sa démission de tous ses mandats, intervenue le 31 mai 2024, n’a pourtant pas suffi à assainir la situation. Son premier adjoint, Sébastien Frey, lui a succédé sans rupture visible.
Et pendant ce temps, la préfecture de l’Hérault, restée passive pendant des années, n’a jamais exercé pleinement son rôle de garde-fou républicain.
Le 22 mars 2024, Gilles D’Ettore, maire d’Agde depuis 2001, est placé en détention provisoire pour des faits graves de corruption, trafic d’influence et détournement de fonds publics. Après deux mois d’incarcération, il démissionne de tous ses mandats le 31 mai 2024. Son successeur, désigné sans réelle surprise par la majorité municipale, est Sébastien Frey, son premier adjoint.
Mais ce changement de visage n’est pas synonyme de renouveau. Il illustre au contraire la profonde continuité d’un système local verrouillé, qui semble vouloir tourner la page sans jamais l’avoir vraiment lue.
Durant toute la gouvernance D’Ettore, la préfecture de l’Hérault a validé sans sourciller des délibérations et décisions municipales aujourd’hui remises en cause. Plans d’aménagements, concessions portuaires, marchés publics : rien n’a été véritablement bloqué, malgré des alertes récurrentes d’opposants et d’usagers.
Le rôle de l’État, censé garantir la légalité et la transparence, a été réduit à une présence formelle, voire décorative. Une faillite administrative dont les conséquences sont aujourd’hui criantes.
Plus troublant encore, malgré les révélations judiciaires, aucun des conseillers municipaux n’a quitté ses fonctions. Pourtant, tous ont participé aux décisions, voté les budgets, validé les actes contestés. Ce silence, cette immobilité, laisse penser à une acceptation tacite, voire à une complicité passive, d’un système aujourd’hui délégitimé.
En élisant Sébastien Frey au poste de maire, la majorité municipale a fait le choix de la continuité, en opposition totale avec les attentes d’un renouveau démocratique. Bras droit de D’Ettore, Frey était au cœur de la machine municipale. Le message est clair : changer sans rien changer.
Ce qui se joue à Agde dépasse un simple fait divers politique. C’est le modèle démocratique local qui est en crise. Concentration du pouvoir, absence de transparence, citoyens écartés des décisions majeures, opposition réduite au silence : tous les marqueurs d’un glissement vers une "démocrature" locale sont réunis.
Cerise sur le gâteau : le nouveau maire fera voter la remunicipalisation des ports, effective au 1er juin 2025, avec l’approbation d’un conseil municipal complaisant et peu soucieux du respect des cadres juridiques. Cette opération, présentée comme un retour à la gestion publique, masque en réalité une manœuvre brutale et opaque : la liquidation de la SODEAL, gestionnaire historique des ports, à la hussarde.
Derrière cette décision précipitée se cache une stratégie de "défausse" juridique, visant à :
Il s’agit là d’une méthode proche d’une "faillite organisée", transposée à une structure semi-publique, avec des conséquences graves pour l’intérêt général. Les plaisanciers et professionnels portuaires risquent d’être les premiers à payer les pots cassés de ce jeu de dupes.
La chute de Gilles D’Ettore ne doit pas masquer l’essentiel : ce n’est pas un homme qu’il faut juger, c’est tout un système. Une gouvernance locale qui a prospéré sous le regard indifférent de l’État, avec le soutien actif ou passif d’élus sans scrupule.
Aujourd’hui, le système survit, réorganisé, maquillé, mais intact.
Tant que l’État, la justice administrative, et surtout les citoyens et les plaisanciers eux-mêmes n’exigeront pas de véritables comptes, la "démocrature agathoise" poursuivra son chemin.
En silence, mais en toute impunité.
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