édition du vendredi 18 février 2011
Ils n'ont pas eu le temps de souffler. Deux palettes pleines de moules étant malencontreusement tombées à l'eau, il a bien fallu aller les récupérer. D'où deux bonnes heures de travail, sous la pluie, en plus des tâches habituelles : détroquer, calibrer dans les pochons, emballer...
Pas grave. Hier matin, dans leur mas du Mourre blanc, à Mèze, Lyne et Dominique Guillard savouraient le soulagement de pouvoir enfin reprendre la commercialisation de leurs coquillages. Encore enchantés par la belle soirée de la veille : ils l'ont passée à la Maison de la Mer, au retour de la délégation d'élus et professionnels qui ont arraché in extremis à Paris la réouverture de l'étang. « Ils nous ont raconté comment ils ont réussi à convaincre les autorités. On est restés jusqu'à 1 h 30 du matin.
Cela faisait vraiment plaisir de se retrouver, de voir la profession unie », souligne Lyne.
L'issue de cette réunion de la dernière chance était bien incertaine. Mais les Guillard, eux, y croyaient. La preuve : le matin même, « on a mis les huîtres dans les bassins de purification », où elles doivent rester 48 heures pour être aptes à être vendues. « En fait, on n'a rien changé à nos habitudes ».
50 % de revenus en moins
Ce matin, comme il le fait tous les week-ends depuis cinq ans, entre septembre et mai, Dominique partira pour la région lyonnaise. Il livrera des restaurants et tiendra un étal sur les marchés de Meyzieu et Vienne. « C'est loin, mais je n'ai pas le choix. Dans la région, c'est saturé. » Lyne, elle, n'aura pas autant de route. On la retrouvera comme d'habitude sur les marchés de Montferrier-sur-Lez, demain, et de Saint-Clément-de-Rivière, dimanche.
Tous deux savent qu'il leur faudra faire de la pédagogie : « Je suis déjà allée voir mes clients, explique Lyne, tout en cloquant des huîtres, deux par deux, pour vérifier qu'elles sont bien hermétiques, Je leur ai dit que même si la DGAL (Direction générale de l'alimentation) ne voulait toujours pas nous donner le feu vert, il n'y avait aucun souci sur nos coquillages depuis le 15 janvier. » Les Guillard, qui exploitent trois tables de crassostrea gigas affinées en mer, s'attendent également à vivre encore des semaines difficiles, après trois années sombres : « C'est bien simple : en 2010, on a perdu la moitié de nos revenus. Pendant la fermeture, on a eu nos charges à payer. Et il va falloir rattraper la mévente ».
Lyne ouvre une huître, enfonce la pointe d'un couteau dans le manteau, détache l'intérieur de la coquille, et le tend à un visiteur en manque après six semaines de sevrage. « Et surtout mâchez bien ! ». Ce dont l'heureux 'coquillageomane 'ne se fait pas prier.
MARC CAILLAUD