Edition du 13 Juin 2007

«C'est de la mascarade, une vraie magouille », le Marseillais Mourad Kahoul, président du Syndicat des thoniers méditerranéens, ne pèse guère ses mots mais hier il avait carrément passé la balance par-dessus bord pour qualifier l'accord de pêche intervenu entre les ministres européens (Midi Libre du 11 juin).

Depuis Bruxelles, il a lancé un véritable appel à la révolte : « la consigne que je donne à mes bateaux, c'est de ne pas lâcher tant que le quota n'est pas atteint ». Autrement dit, pas question pour lui et pour ses troupes de respecter l'une des premières dispositions du nouvel accord l'arrêt de la pêche le 1er juillet si, ce jour-là, les 32 thoniers français n'ont pas sorti des eaux les 5 493 tonnes que l'Union européenne leur a attribuées.

Et, à en croire Mourad Kahoul, ce quota serait loin d'être atteint. « Je viens de faire le point avec tous les bateaux. Ils m'ont communiqué leurs livres de bord et leurs bulletins météo. En 8 semaines de campagne, ils n'ont été en mer que 10 jours ». Le mauvais temps qui a sévi sur la plupart des zones de pêche, notamment aux Baléares, n'a pas permis un réchauffement suffisant des eaux pour le frai.

Les thons sont restés souvent au fond. A bord du « Rainbow-warrior 2 », le bateau de l'ONG écologiste Greenpeace qui croise depuis plusieurs semaines entre Malte et la Libye, François Provost confirme les affirmations de Mourad Kahoul : « la température de l'eau est restée inférieure à 23°C en mai et, en ce moment, elle n'excède pas 24°5. C'est une mauvaise saison pour eux. Malgré ce, nous estimons que le quota est pratiquement atteint ».

Mais le militant écologiste met également la relative contre-performance de la flottille sur le compte de l'appauvrissement de la ressource, au contraire de Mourad Kahoul qui, lui, voit des thons partout et en grand nombre : « Il n'y a que quelques scientifiques sous la pression d'organisations écologistes irresponsables pour affirmer que les populations de thons sont menacées. Cette année, au large des côtes languedociennes et provençales, les thonailleurs n'ont jamais fait une aussi bonne campagne.

Greenpeace a besoin de grain à moudre pour vivre. Quand les baleines ne suffisent pas, ils mettent en avant les thons ». Le Marseillais en veut donc à la terre entière, à la planète « écolo », aux « contrôles tatillons » de la marine nationale française mais aussi aux Espagnols qui bénéficient de mesures dérogatoires dans l'accord de pêche adopté lundi à Luxembourg : « Nous, on doit s'arrêter le 1er juillet mais les canneurs basques pourront continuer jusqu'au 15 novembre ; nous, nous ne pouvons pas prendre de poisson pesant moins de 30 kg, eux ont droit jusqu'à 8 kg ».

Le syndicat qui avait fait part de ces objections au conseil européen, va maintenant saisir la cour européenne de justice. Hier, à la limite des eaux libyennes, la tension entre écologistes et thoniers est encore monté d'un cran quand le Rainbow-warrior 2 avec, à son bord, plusieurs équipes de journalistes, s'est approché d'un peu trop près du Sétois Jean-Marie Christian VI alors qu'il avait mouillé son filet. « Il y avait sur zone des bateaux tunisiens et turcs, ils ne se sont intéressés qu'au français », fulmine Mourad Kahoul... Avis de gros temps en Méditerranée.

Jean-Pierre LACAN