Edition du 18 Novembre 2007
Gwenaëlle Proutière-Maulion donnera une conférence à 15 h à la gare du Maroc A quel titre intervenez-vous ? Je dirige, à Nantes, le Centre de droit maritime et océanique, spécialisé dans les aspects juridiques liés au monde de la mer - pollution, sécurité, pavillons...
Au sein de ce laboratoire qui regroupe dix enseignants-chercheurs, je me charge plus particulièrement de la pêche. Sur quoi portera votre intervention ? Je vais présenter le texte adopté en juin par l'Organisation internationale du travail concernant les droits des marins du secteur de la pêche. Ils exercent, et de loin, le métier le plus accidentogène qui soit. C'est déjà dangereux en Europe, c'est effrayant en Amérique Latine.
Qu'apportera aux pêcheurs l'application de ce texte ?
Au niveau européen, ça ne changera pas grand-chose du fait d'une législation déjà assez sérieuse. En revanche, au niveau mondial, ce texte devrait améliorer fortement la situation dans les pays d'Asie, par exemple, où des marins vivent à bord dans des conditions de quasi esclavage. Seront imposées des normes en terme d'espace vital à bord - largeur de couchettes, hauteurs de plafond mais aussi l'obligation pour l'armateur de rapatrier un marin blessé ou malade, etc. Ce texte imposera également l'existence d'un contrat écrit avec chaque marin, impliquant le respect de minimas sociaux.
Une législation applicable ?
Non, pour s'appliquer à toutes les flottes de pêche, ce texte devra d'abord être ratifié par au moins huit pays côtiers. Dès lors, les armateurs pourront être contrôlés.
Pensez-vous que l'avenir de la pêche se trouve dans les pays émergents ?
Non, même s'il est vrai qu'une double concurrence s'exerce sur nos flottes : quant à l'accès à la ressource et d'un point de vue social, ce qui pousse certains armateurs à chercher le pavillon qui soit le "moins-disant". Mais concernant la pêche locale, je ne pense pas qu'il y ait de risque de voir les armements sétois se domicilier par exemple en Afrique. Ils n'auraient plus accès aux quotas de l'Union européenne (pour le thon, en tout cas). Et puis les temps changent : le Maroc, le Sénégal, etc, sont plus regardants quant à la préservation de leurs ressources.
La pêche française n'est donc pas condamnée...
A mon avis, non. Vous savez, en Atlantique, la majorité des patrons ont entre 35 et 40 ans. Ils n'ont connu que la politique communautaire, les quotas, la préservation de la ressource, et s'y conforment. En Méditerranée, c'est différent. Il n'y a pas de quotas, sauf pour le thon, mais des bateaux très polyvalents qui ne puisent pas toute l'année dans les mêmes stocks, plus variés mais moins vastes. Et je vous rappelle que près de 80 % de la flotte française est constituée de petits-métiers.
Sont-ils la solution ?
Peut-être, sauf qu'il ne faut pas qu'ils échappent à toute réglementation. Encadrer le travail des petits-métiers permettrait effectivement de voir l'avenir avec sérénité. C'est ce qui se fait sur la pêche à la coquille Saint-Jacques, et ça marche très bien.
Recueilli par Pa. C