Édition du mardi 29 janvier 2008

Serge Orru dirige le Fonds mondial pour la nature (WWF-France) Pourquoi demandez-vous à la grande distribution de cesser la vente de thon rouge comme l'a fait le groupe Auchan en fin d'année dernière ? Nous respectons beaucoup le monde de la mer, nous respectons les pêcheurs mais aujourd'hui lorsqu'on fait exploser les quotas de thon rouge en sortant plus de 50 000 tonnes de poissons de la Méditerranée alors que les scientifiques estiment qu'il ne faut pas aller au-delà de 15 000 tonnes l'an, cela signifie que la pêche est hors de contrôle. Il faut avoir le courage de dire : halte au feu. Nous n'avons pas envie que le mot pêcheur rime avec chômeur. Nous voulons qu'ils puissent transmettre la passion du métier à leurs enfants.

Or si on continue à ce rythme, dans cinq ans il n'y aura plus de thon en Méditerranée. Mais il existe pourtant une commission internationale, l'ICCAT, qui a mis en place un plan de sauvegarde... La gestion des pêcheries est devenue hors de contrôle. La pêche au thon rouge en Méditerranée est un jeu dangereux dans lequel, du côté des pêcheurs comme du côté des consommateurs, il n'y aura que des perdants. Pourquoi la commission n'a-t-elle pas écouté ses scientifiques en fixant le quota de pêche à 15 000 tonnes au lieu de le porter à 29 500 tonnes ? Pour nous, le thon rouge est une espèce symbolique de la Méditerranée.

Nous voulons la sauver. Au début des années quatre-vingt-dix quand le WWF et d'autres organisations ont tiré le signal d'alarme à propos des pêcheries de morue au large de Terre Neuve, on ne tenait pas d'autre discours que celui qu'on tient sur le thon rouge. Depuis 1992, on ne pêche plus la morue, il y a eu 100 000 chômeurs dans les pêcheries et la morue n'est toujours pas réapparue. Veut-on cela pour le thon rouge ? Demandez-vous également un moratoire sur la pêche... Bien sûr.

Il faut un moratoire de trois ans puis la mise en place d'un quota de 15 000 tonnes l'an, suivant, en cela, les recommandations des scientifiques de l'ICCAT. L'essentiel de la pêche au thon se fait à la senne, le filet tournant. Les thonailleurs, qui utilisent une forme de filet maillant dérivant manifestent contre l'interdiction de cet engin par l'Europe. Qu'en pense le WWF ? La même chose que Greenpeace. Ce ne sont pas les thonailleurs qui portent atteinte à la ressource. Il faut respecter cette pêche artisanale. Nous sommes opposés aux filets maillant dérivant mais, pour ma part, la thonaille ne me dérange pas.

Recueilli par J.-P. LACAN